samedi 14 novembre 2015

"Je suis" (choqué, en colère, triste, exaspéré...)

Après le 11 janvier, que n'avait-on dit...

Et tout recommence. En pire.

Et les "je suis" recyclés, et donc bientôt forcément détournés. Car dans notre monde, plus rien n'a d'importance. Tout doit pouvoir être raillé, pour montrer "qu'on" vaut mieux que les autres.

Je suis en colère. Pas besoin d'injonction à l'émotion pour çà.

Va t-on recommencer à encore entendre le même catéchisme creux sur le "vivrensemble", synonyme d'applatissement moral ?

Va t-on recommencer l'autoflagellation officielle, sur laquelle prospèrent tous les ennemis, de tous les bords ?

Va t-on recommencer à instrumentaliser la souffrance et l'émotion, alors qu'on n'a strictement aucune intention de remettre tout à plat (parce qu'on en est juste totalement incapable) ?

Va t-on recommencer avec ces conneries façon café du commerce, des histoires de couleur de rétroviseur, d'analyses foireuses pour détourner encore et toujours l'attention, pour faire son malin en disant "je sais qui est derrière tout çà", pour absoudre les vrais criminels, minimiser leur carnage, et pour prétendre "tenir des coupables" qui n'en sont pas et que ça crève les yeux, pour servir les desseins de gourous dont le charisme manifeste suffit à faire oublier les discours confus et l'égo immense ?

Va t-on recommencer à dire que les islamistes sont toujours des gros couillons tout juste bons à être manipulés par une puissance insidieuse complotant en silence ?

Va t-on recommencer à entendre que les "vrais" coupables sont les gens attachés à la laïcité (pas ouverte, fermée ou autre, la laïcité tout court), la République, et que les tueurs ont des excuses, parce
que les valeurs issues de 1789 ou de 1905 sont racistes, islamophobes, colonialistes et je ne sais quoi ?

Va t-on recommencer à entendre les mêmes conneries, venant d'un bord officiel mou ou de l'autre ?

Va t-on recommencer à entendre les mêmes autres conneries, venant d'un extrême ou de l'autre ?

L'Occident post-moderne oublie son histoire (ne retenant éventuellement que les épisodes honteux pour dire qu'il faut tout jeter).

Ses uniques valeurs sont "moi, ma gueule et moi", et ne voit plus sa "liberté" que comme celle de baiser comme il l'entend ou d'acheter des conneries sans importance.

Ses réformes vont dans l'effacement de son passé, de sa structure bâtie des siècles durant (oui, c'est vrai, aussi sur du sang et de la merde)

Ses réformes vont dans la ringardisation des simples règles de discussion convenable, jadis de sens commun, aujourd'hui foulées au pied ou objet de "négociation".

Son avenir uniquement envisagé comme PIB, point de croissance et logique comptable à la petite semaine.

Le trempage de bite/l'écartement de cuisses comme unique horizon de liberté.

L'oubli de toutes les racines historiques. Les bonnes comme les mauvaises.

Le triomphe du libéral-libertarisme. L'extinction des moindres valeurs transcendantes.

Et les conséquences :

L'autre n'est plus un de mes possibles semblables. Il est considéré sous l'angle de l'intérêt matériel ou pour mes envies sexuelles.

L'insulte vomie en public planqué derrière son écran comme mode d'expression normale.

La fin du choc des images et des discours pour une jeunesse gavée d'images et qui fait de moins en moins la différence entre l'acceptable et l'inacceptable.

Le bruit de pseudo-"dissidents" qui soufflent sur les braises du malaise (car l'occidental a besoin d'autre chose que cet unique horizon de merde atone... quitte à accepter
une merde encore plus puante)

On croyait qu'on ne ferait plus de guerre entre pays, on arrive à des guerres larvées à l'intérieur de nos pays, qui parfois explosent. Comme maintenant.

Car l'histoire n'est pas morte. Parmi nous, il y en a qui y sont encore. Qui n'oublient pas certaines de leurs racines ; certes, ils ne gardent que les plus toxiques.

Et qui s'attaquent au présent où qu'il soit, et même aux restes gênants de leur antiquité.

Et qui parce qu'ils assument leur violence brutale au nom d'un sens historique (quelqu'il soit), séduisent de plus en plus de jeunes à qui notre monde ne peut apporter aucun enchantement.

Et face à çà, les occidentaux post-modernes qui ne pensent plus qu'à consommer et au cul sont désarmés.

Le monde ancien s'est rappellé brutalement à nous tous, alors que notre société du zapping avait déjà presque oublié les attentats de janvier.

Et face à ça, les racistes de tous bords (anti-musulmans, anti-juifs, anti-français, anti-blancs, anti-pas blancs, anti-laïcs...) vont se déchaîner. Même s'ils n'ont aucune solution que des brailleries bonnes pour la société du spectacle internet. Ils auront de l'audience et  des partages car ils maîtrisent le spectacle, bien mieux désormais que la bien-pensance officielle.

A noter au fait : aucune agression physique contre des musulmans n'a eu lieu après les attentats de janvier.

Et c'est au moins rassurant sur le reste de civilisation qui reste encore dans le coeur des gens.

Et c'est très bien ainsi car ça prouve que les gens savent (encore pour le moment) qu'il ne faut pas tout mélanger, sans avoir besoin de navrants "padamalgam".

Malheureusement, cela pourra t-il durer ?

Pourra t-on éviter la guerre civile éternellement ?

Pourra t-on enfin recoller les morceaux ?

"Je suis" pessimiste.

lundi 27 juillet 2015

Natacha Atlas - Diaspora

Natacha Atlas - Diaspora
Nation Records / Beggars Banquet, 1995

Iskanderia
Leysh nat'arak
Diaspora
Yalla chant
Alhambra pt. 1
Duden
Feres
Fun does not exist
Dub yalil
Iskanderia (Atlas zamalek)
Diaspora (Ballon theatre mix)
Fun does not exist (Dolmus mix)



Au début des années 90, un groupe anglais nommé Transglobal Underground se faisait entendre dans les charts anglais avec sa musique électronique, mâtinée de dub et hip-hop fusionnée avec des musiques africaines, asiatiques, moyen-orientales, polynésiennes... Au sein de ce collectif qui apparaissait caché derrière des masques tribaux, une chanteuse/danseuse égypto-anglo-bruxelloise Natacha Atlas qui en devint l'égérie. Et peu de temps après (il y a donc 20 ans), naissait donc ce premier album solo, où celle-ci apparaît telle une Cléopâtre de l'âge d'or hollywoodien dans un décor de carton pâte. Album solo certes, mais en coopération étroite avec les membres de TGU, musiciens et co-auteurs de la plupart des morceaux. Cet album est donc en partie un prolongement de TGU, et il est clair que "Diaspora", "Duden" ou "Fun does not exist" auraient eu toute leur place sur un "Psychic karaoke" ou un "Dream of 100 nations". Ce qui n'est pas une critique.

Cet album chanté quasi-uniquement en arabe est donc un mélange là encore assez réussi et souvent entraînant de musique électronique et de musique moyen-orientale. Avec déjà des classiques de son répertoire, qui sonnent comme des évidences : le très dansant "Yalla chant" et "Leysh nat'arak" (appel à l'écoute mutuelle entre juifs et arabes).

L'album s'avère très varié, une certaine homogénéité n'empêche pas quelques surprises. La plus inattendue étant "Feres", qui sonne comme une chanson traditionnelle arabe, jouée avec un orchestre complet (cordes, oud, tablas, accordéon, piano) et qui s'intègre très bien dans cet ensemble. Quant au reste des morceaux, on notera le lent dub "Diaspora", le très efficace "Dub yalil" (gros son de basse, quelques notes d'accordéon et chant en gloire à un Très-Haut), "Duden" (où Natacha se fait plus discrète), ses choeurs synthétiques légèrement distordus, son beat hip-hop et son piano-house (un peu en arrière dans le mix... ça a pris un petit coup de vieux mais c'est pas grave). Sur "Fun does not exist", la chanteuse s'efface également presque devant l'ensemble de percussions tribales, flûte, notes continues et mélodies d'accordéons, n'intervenant qu'en milieu et en fin.

Mais sur ce titre, comme sur le reste de l'album, la voix est limpide, claire, nuancée, ne va jamais dans le volume inutile et ne donne jamais l'impression de forcer.

Un album bien troussé et efficace, qui se laisse toujours bien écouter.

Titres préférés : "Iskanderia", "Leysh nat'arak", "Yalla chant" (*), "Dub yalil"

(*) dans la playlist ci-dessous, en version remixée avec la participation de MC Kinky, qui chante en patois jamaicain !

samedi 25 juillet 2015

Neneh Cherry - Blank Project

Neneh Cherry - Blank project
Smalltown Supersound, 2014

Across the water
Blank project
Naked
Spit three times
Weightless
Cynical
422
Out of the black
Dossier
Everything

Dix-huit ans sans album solo... L'énergique jeune femme qui enflammait les ondes avec "Buffalo stance" ou "Manchild" (avec la collaboration de deux musiciens sur le point de se faire connaître sous le nom de Massive Attack) s'est faite très discrète dans les années 90 (hormis de rares tubes) et 2000, se concentrant essentiellement sur son rôle de maman... et aussi sur CirKus, avec notamment son mari et sa fille.

Ce retour inattendu est un travail en collaboration avec Ben et Tom Page (RocketNumberNine) et Kieran Hebden (Four Tet). Et point de tube taillé pour les FM, point de mélange pop/hip-hop dansant. Mais on a affaire à un disque pop/trip-hop électronique aux arrangements dépouillés. Le titre d'ouverture en est l'exemple le plus marquant, seule un rythme lent et simple soutenant la voix de Neneh, toujours limpide tout au long de l'album.

Et même si on ne retrouvera plus cette aridité par la suite  du côté de beats électroniques souvent bien plus construits, on se départira jamais de cette impression de minimalisme, qui ne fait qu'accentuer les moments d'accélération (la basse distordue, les roulements à la batterie et bruitages de "Blank project" ou "Cynical" avec un refrain dans les aigus limpides), les moments plus mélodiques (les quelques nappes de synthé sur "Naked",  ou les lents et plus sombres "Spit three times" ou "422").

"Out of the black" (en duo avec Robyn), "Weightless" ou "Dossier" ont beau sonner plus pop ou plus rock indé, on ne peut guère parler de réelle accessibilité immédiate ; ils s'intègrent parfaitement à un ensemble globalement intimiste, où voix et instrumentation s'équilibrent très bien sans se manger l'un l'autre, où l'inattendu ne s'encombre pas d'expérimentations hasardeuses mais se place tout en subtilité.

Un très beau retour que cet album, qui prend le temps pour se faire apprécier dans toute sa quintessence. Puisse Neneh Cherry ne pas attendre aussi longtemps pour nous faire plaisir à nouveau.

Titres préférés : "Blank project", "Naked", "Spit three times", "Cynical".
Quelques extraits ici :

jeudi 16 juillet 2015

Blablatise

Amateurs de mélancolie poétique et décalée, voici un blog original mené par une charmante jeune personne que je vous invite à découvrir :

http://blablatise.eklablog.com

Ainsi que sa page Facebook toute récente :

https://www.facebook.com/blablatise

Images, écrits et goûts musicaux sûrs. Belle continuation, mademoiselle.

samedi 27 juin 2015

Saint-Quentin-Fallavier a bon dos

Le 26 juin 2015, un homme a fait irruption dans une usine Air Products en Isère. On voit une tête accrochée à un grillage. Il n'en a pas fallu plus pour que de nombreux Français dénoncent un attentat islamiste.

Or, cette hypothèse est illogique.

La mission de cet individu n’a pas de lien avec l’idéologie jihadiste.

En effet, des membres ou des sympathisants des Frères musulmans, d’al-Qaïda ou de Daesh ne se seraient pas contentés de vouloir décapiter un homme, ils auraient filmé sa décapitation puis auraient tourné sa tête vers la Mecque. De même, au lieu de faire exploser une usine fabriquant du gaz, ils auraient d’abord détruit ses archives sous les yeux de l'homme qu'ils allaient décapiter, sur le modèle de ce qu’ils ont fait dans la totalité de leurs actions au Maghreb et au Levant. Pour des jihadistes, le premier devoir c’est de détruire les objets qui, selon eux, offensent Dieu, puis de punir les « ennemis de Dieu ».

De même, on ne saurait oublier les soi-disant attentants la veille, notamment à Kobané au Kurdistan Syrien.

Ainsi la manière dont à Kobané, ils ont exécuté des dizaines de civils, des femmes, des vieillards et des enfants, qui ne représentaient aucun danger pour eux, atteste que leur mission n’était pas, en plein Râmadan de « venger Mahomet » de l’affront qu'a représenté l'échec de leur assaut il y a quelques mois. Non jamais des membres ou des sympathisants des Frères musulmans, d’al-Qaïda ou de Daesh , jamais au grand jamais, voyons.

Le fait que l'assaillant en Isère parle bien le français, et qu’ils soit probablement Français, ne permet pas de conclure que cet attentat est un épisode franco-français. De même, le fait que les assaillants à Kobané portaient l'uniforme du YPG kurde ne permet pas de conclure que cet attentat est un épisode kurdo-kurde. Tout ceci nous contraint à les distinguer de possibles commanditaires. Et rien ne prouve que ces derniers soient des Français ou des Kurdes.

C’est un réflexe normal, mais intellectuellement erroné, de considérer lorsque l’on vient d’être attaqué que l’on connaît ses agresseurs. C’est le plus logique lorsqu’il s’agit de criminalité normale, mais c’est faux lorsqu’il s’agit de politique internationale.

Les commanditaires de l'attentat en Isère savaient qu’il provoquerait une fracture entre les Français musulmans et les Français non-musulmans. Or, jamais un jihadiste ne réfléchirait en ces termes. Donc, il y a obligatoirement quelqu'un derrière.

De sorte, qu'on se demande forcément « qui » sont les commanditaires ?

Revenons pour cela à « Air Products », entreprise qui fabrique du gaz de soudage et du gaz alimentaire. Alimentaire, soudage... Voilà qui nous ramène à l'actualité française.

Nous ne saurions oublier les polémiques en France sur l'alimentation dans les cantines scolaires, qui ont servi à monter français musulmans et non-musulmans les uns contre les autres. De même, comment ne pas voir dans cet acte une tentative de déssouder la société française en éléments séparés ? Le symbole est trop flagrant pour qu'on n'y pense pas.

Alors... qui ? Qui, qui, qui, mais qui ?

Et si la réponse était justement dans le « gaz », fait curieusement occulté par les médias français - sauf pour supposer que le terroriste avait pour intention de le faire exploser, ce qui était impossible, car nous l'avons prouvé, ça ne pouvait être un jihadiste ? « Gaz » que l'on n'aborde jamais dans les médias sauf dans certaines circonstances historico-religieuses ?. Qui parle de manière obsédante des chambres à gaz ?

Ce qui montre bien qu'un jihadiste aurait détruit les archives de la société indiquant la composition des « gaz », qui nous ramène à une hideuse manipulation historique dont on n'a pas le droit de parler. Car ces formules chimiques qu'on n'a pas le droit de contester offenseraient Dieu.

Ce n’est pas au Caire, à Riyad ou à Kaboul que l’on parle des « chambres à gaz », mais à Washington et à Tel-Aviv, dans les milieux tenus par une certaine communauté dont on ne peut pas parler, mais qui complote en secret tapie dans l'ombre, comme l'ont dénoncé les courageux résistants Saint-Dieudonné (saws) et Alain Hamsah Manarah Soral (amen), victimes de ces mêmes commanditaires

Les commanditaires de l’attentat en Isère, et les commanditaires de l'attentat de Kobané n’ont pas cherché à satisfaire des jihadistes ou des talibans, mais des néo-conservateurs rhône-alpins ou des faucons libéraux saint-quentinois.

Les Français seraient bien avisés de se souvenir également que ce ne sont pas eux qui ont pris l’initiative de la lutte contre les jihadistes revenant de Syrie et d’Irak. À ce jour d’ailleurs, aucun d’entre eux n’a commis le moindre attentat en France, le cas de Mehdi Nemmouche n’étant pas celui d’un terroriste solitaire, mais d’un agent chargé d’exécuter à Bruxelles deux agents du Mossad qui visitaient un musée, le cas des frères Kaouchi et de Coulibaly n'étant pas des terroristes, mais des sionistes comme le montre l'attaque contre le journal Charlie (anagramme d'Ichrael, ce qui est un signe de la responsabilité probable des illumanito-sionistes), le cas de Mohamed Merah n'étant pas celui d'un terroriste, mais d'un agent chargé d'exécuter à Toulouse de dangereux sionistes de 6-7 ans cachés parmi des enfants sionistes dans une école. De même, à Kobané, il s'agit d'un signal sioniste (on notera bien sûr que Kobané contient le mot Koen, ce n'est pas un hasard).

Souvenons-nous que ce sont les sionistes qui ont tué le Christ, comme l'a dit à la télévision iranienne Saint-Dieudonné notre prophète (saws), lui qui a appellé chrétiens et musulmans à s'unir. Ce qui est bien la preuve que ces soi-disants jihadistes sont des sionistes déguisés qui veulent nous désunir.

Souvenons-nous que Saint-Dieudonné (saws) a dénoncé dans « Causeur » Mohamed Merah comme un sioniste, car il a commis des actes violents.

Souvenons-nous que Mohamed Merah était un agent chargé d’exécuter des enfants sionistes dans une école de Toulouse.

Souvenons-nous que ce sioniste était chargé d'exécuter des sionistes.

Souvenons-nous que tout est de la faute des sionistes.

Nous ignorons qui a commandité cette opération non-professionnelle en Isère. Ce non-professionnalisme de la part du terroriste est une preuve qu'il y a un commanditaire qui manipulait tout derrière, et qui a choisi un homme manifestement peu habitué en espérant qu'il se ferait liquider rapidement. Or, il s'est fait arrêter par un pompier, et ça aussi c'est une preuve, car il fallait montrer que c'était un non-professionnel.

Nous ignorons qui a commandité cette opération professionnelle à Kobané. Ce professionnalisme de la part des terroristes est une preuve qu'il y a un commanditaire qui manipulait tout derrière, car il fallait faire le plus de victimes possible pour focaliser l'attention des gens sur Daesh.

Nous ignorons de même qui a commandité ces attentats en Somalie, au Koweït, en Tunisie, mais nous n'ignorons pas tout de même.

Nous ignorons tout, mais nous ne devrions pas nous emballer. Nous nous posons des questions, mais nous savons que ce sont les américano-sionistes. Nous devrions considérer toutes les hypothèses et admettre, qu’à ce stade, son but le plus probable est de nous diviser ; et ses commanditaires les plus probables sont imprécis : Jérusalem, Tel-Aviv, Haïfa, la Rue des Rosiers ou les jeans Bensoussan dans le Sentier. Mais on ne sait pas. On se pose des questions.

Alors, jeunes de 35 ans, révoltons-nous comme Nicolas Anelka, faisons une quenelle aux touristes américains de passage, achetons notre sweat-shirt dissidence à 38 euros et notre serviette de plage anti-système à 25 euros. Notre heure viendra. Car nous savons.

Thierry Méchant.

NB : Ceci est une parodie.

samedi 14 février 2015

De Golshifteh nue (un article de plus)

Voici ma réaction à un article posté récemment sur Rue 89 suite à la couverture du magazine "Egoïste" où la talentueuse Golshifteh Farahani pose nue pour le photographe Paolo Reversi. Cette couverture a déclenché plusieurs réactions dans la presse. Cet article de deux universitaires (sans précision) pose de bonnes questions sur le bruit médiatique et les commentaires qu'on, même si sa conclusion ne me convient pas.


Source : Egoïste

"Ce n’est apparemment pas une question de préférence médiatique exclusive pour les seins ou les corps nus – puisque les deux font scandale, en temps voulu –, ni une question de préférence nationale."

On pourrait se poser la question sur le "scandale" en question d'afficher un corps nu en couverture d'un magazine. Scandale en Iran peut-être, mais dans nos sociétés totalement blasées où le corps est tellement exploité que ça en devient banal, on peut se poser la question. Aucun "scandale" dans une femme nue en couverture d'un magazine.

A la limite, les Femen qui se foutent à poil dans une église ont fait à un moment scandale, car elles vont dans des endroits dits sacrés (une survivance de l'"ancien monde"). Mais un vrai bon scandale devrait être sous-tendu par un discours clair (pourquoi on fait çà dans un endroit pareil), devrait être un prétexte à poser une bonne question, à nourrir un débat (quitte à être en désaccord sur le sujet). Mais franchement, qui a compris quoi que ce soit de précis dans le discours confus de celles-ci ? Du coup, ça marche une fois ou deux (sauf pour des gogos médiatiques qui aiment remplir avec du vide et relaient leur accueil de DSK au procès du Carlton), mais après, c'est lassitude devant une telle débauche d'énergie... pour en fin de compte aboutir à du rien sinon de la stupidité. Nouvelles icônes post-modernes déjà passées de mode.

"Cependant, la surmédiatisation virale de l’acte de Golshifteh Farahani ne doit pas occulter les autres actions entreprises pour défendre – ouvertement cette fois – la cause de la liberté de la femme en Iran"

Très bien vu en effet... au passage, n'en déplaise aux intermittents de l'humanisme adeptes du gourou soralien pour qui l'Iran est un allié financier et idéologique de poids (tiens, en v'là du lobby aussi) et pour qui les droits des femmes ne doivent certainement pas être un gros problème, il y a quelques petits soucis de ce genre là-bas.

"Aimerais-tu faire de la politique ? Non, surtout pas. A quoi bon ? Regarde la France, qu’on dit un pays libre. Tu prononces un mot de travers, tu es fichue. C’est le royaume du conformisme, de l’hypocrisie. [...] Dans les dictatures, on surveille aussi ses paroles, mais il y a une raison. [...]"

Non seulement belle et talentueuse, mais aussi lucide.

"Parce que Paris, en même temps, est le seul endroit de la planète où les femmes ne sont pas coupables. En Orient, tu l’es tout le temps. [...]"

Une phrase comme on aimerait en entendre plus souvent. Merci Golshifteh d'aimer la France que tu as choisi comme nouveau port d'attache, malgré tous nos défauts qu'on veut bien admettre quand ils sont posés de manière équilibrée.

"Si j’étais partie en exil aux Etats-Unis, j’aurais été fichue. Los Angeles aurait été le pire endroit possible. La vulgarité, le puritanisme. Je serais devenue horrible."

Très très lucide. Et on t'aurait jeté au bout de quelques années quand tu n'aurais plus été bankable.

Source : GolshiftehNews

"Golshifteh Farahani, étendard de la cause des femmes en Iran (...) ? Pourquoi pas, mais depuis quand ? Depuis que certains commentateurs des médias en ont décidé ? Elle en a la carrure ; elle se tait ; candidate parfaite au « parlons à sa place », à une trahison collective d’un acte isolé et silencieux.

Cela dit, elle parle quand même beaucoup dans cette interview de l'Iran, des exilés, de ce qu'elle a vécu, de la pression que lui ont mis les autorités là-bas, de la peur de longs mois durant, et même après être partie... Et elle dit bien que sa précédente apparition dans "Corps et âmes" où elle dévoile un sein était une manière de marquer le coup, de montrer qu'il n'y aurait plus de retour possible dans son pays.

Mais elle ne parle pas de cette séance pour le magazine "Egoïste". Pas d'explication cette fois. On peut donc tout supposer. Geste politique. Geste plus personnel vis-à-vis des autorités de son pays d'origine sans y inclure un combat féministe, Et peut-être plus simplement geste artistique (c'est bête, mais çà peut arriver) sans intention politique précise. Juste pour travailler avec un photographe réputé et faire un joli travail en commun, ce qui est d'ailleurs le cas de ces clichés. Peut-être tout çà à la fois en fait. En douceur et en délicatesse, voilà qui fait du bien d'ailleurs.

"Elle, victime non plus du voile islamique, mais du « voile médiatique », ce voile qui fausse les intentions, les actions, par l’abondance de mots, de bavardages, de raccourcis, et qui trahit non seulement la voix de leur propre « élue », mais réduit également celle de milliers d’autres au silence, en leur accordant moins d’importance."

Excellent. Si l'article s'était arrêté là, c'eût été très bien.

"il y défie quiconque de se vanter de défendre la liberté d’expression de Golshifteh Farahani s’il ne défend pas avec la même vigueur le droit des citoyennes musulmanes à rester voilées en public, dans une Europe où l’islamophobie est latente."

Et paf. Là, je ne suis plus. Je ne défends pas avec vigueur le droit de poser nu en couverture d'un magazine, ce droit me semble bien peu remis en cause, on en abuse plutôt même. C'est la manière dont il est applique en quantité et en qualité qui pose un véritable problème selon moi.

De même, je ne défends pas le droit de porter un voile en public. Je reconnais ce droit dans une certaine limite et pour un voile discret, sans gants, qui ne dissimule pas la personne et qui n'empêche pas les règles sociales élémentaires de courtoisie et de vivre ensemble en société. Mais je ne défends certainement pas celui-ci en tant que moyen de pression sur la société qu'utilisent des gens dont les valeurs (identitarisme ethnico-religieux) ne sont pas les miennes, ils ont déjà des élus idiots utiles pour cela. Je m'affirme contre cette idéologie-là.

En revanche, dans une époque où tout doit être exposé crûment sur la place publique, sur les réseaux sociaux, y compris (et surtout) son côté animal, jouisseur sans entraves, son intimité sexuelle, et si possible de la manière la plus pornographique possible (pas question de sentiments dans ce grand supermarché de chair), je défends le droit de garder une certaine pudeur, y compris quand elle doit passer par un vêtement religieux non porté comme effet de mode, non porté comme outil de revendication politique agressive, mais comme quelque chose qui correspond à un véritable choix intime, fait seul avec sa conscience et qui n'implique pas la fermeture vis-à-vis de l'autre.

Dans une époque où les dieux se nomment Argent et Ma Gueule, je comprends le droit à une envie de transcendance spirituelle, quitte à ce que celle-ci passe par une expression visuelle, et je le défends dans certaines bornes légales. J'admets ceci dit que ce droit, je le défends avec mollesse comparé à celui dont il sera question après, mon côté mâle blanc occidental réac', diraient certains.

Pour la même raison, je m'affirme contre le déballage intempestif de chair et de bêtise glauque et crasse. Mais je défends la nudité artistique, simple et discrète, ou bien travaillée avec goût. C'est celle-ci qu'il faut réhabiliter. Elle n'est pas incompatible avec l'intelligence, la sensibilité, la délicatesse et une certaine pudeur (comme les photos de cette séance entre Golshifteh Farahani et Paolo Reversi), valeurs il est vrai ringardes dans la société actuelle. Pas de pseudo-provocation sexuelle dans ce visage, pas de militantisme agressif dans cette pose. C'est en ce sens que cette couverture sans artifices (ou presque - un petit photoshoppage peut-être ?) invite à la réflexion. Une simplicité qui détonne, sans titres et sous titres tape-à-l'oeil. Un grand titre, un nom, un numéro. C'est tout. Qu'est-ce que j'aimerais que ce soit plus souvent comme çà, les couvertures de médias.

Je défends ce choix-là avec plus de force, car je ne serais pas gêné par la disparition des voiles en France (car je ne m'accorde pas avec certaines valeurs sous-jacentes), tout comme je ne serais pas gêné de l'effacement du pseudo-sexy vulgaire et de l'esthétique porno-chic à des heures de grandes écoutes et des devantures de kiosques, mais beaucoup plus par l'interdiction des nus de qualités, vecteurs d'expression artistique depuis des millénaires.

Sinon, pour en revenir à la citation précédente, c'est là où je me sépare des deux auteurs de l'article de Rue89. Ils semblent ne pas faire cette distinction dans leur discours sur le voile entre les deux interprétations, l'affirmation spirituelle qui pourrait je pense être acceptée par la société française dans une certaine limite, et l'identitarisme façon gyrophare et sirène hurlante, qui nourrit la défiance de celle-ci par rapport à l'islam. De même, ils ne parlent pas des différences entre nu et nu, qui n'était certes pas le sujet de leur article (lequel traitait plutôt des risques de manipulation d'un acte non commenté). Mais pourquoi alors parler deux fois de "l'islamophobie latente" en France, qui semble un peu hors-sujet par rapport au fil principal de l'article ?


Extrait de "My sweet pepper land". Avec des compositions musicales de Golshifteh Farahani, interprétées par elle-même.

Ma conclusion : plutôt Golshifteh que Nabilla ou les Kardashian. Plutôt Paolo Reversi qu'une sextape vomie sur Youtube. Plutôt un tirage à 25000 exemplaires que des millions de vues. Mais est-ce que les jeunes gens, gavés de saloperie visuelle depuis des années savent encore faire la différence ?

Non au niqab, non à la pornographie en mots et en images dans la sphère publique, y compris quand il n'est pas question de sexe. Oui au bon goût (mais dans notre société libérale, "tout se vaut", le beau et le cracra, hélàs).

En ce sens-là, cette photo prend son sens pour moi.

Et Rue89 ne s'y est pas trompé en mettant en avant ce commentaire :

"C’est quand même rare, une photo de nu ou ce qui interpelle le plus, ce n’est ni les seins, ni les fesses, mais le regard."

Allez savoir si ce n'est en effet pas çà qui choque le plus notre époque.

vendredi 23 janvier 2015

Cheb i Sabbah (1947-2013)



De l'Algérie à l'Inde, via la France et les Etats-Unis... C'est l'histoire de DJ Cheb-i-Sabbah, de son vrai nom Haïm Serge El Baz, juif algérien qui arrive à Paris dans les années 60, où il commence une carrière de DJ, organisant plus tard des soirées mêlant sons indiens, nord-africains et brésiliens, et participant également à une troupe de théâtre expérimental. En 1986, il s'installe à San Francisco, s'investissant dans une autre compagnie de théâtre.

En tant que DJ, il invite des musiciens du monde entier pour des soirées de plus en plus travaillées au niveau de l'ambiance et visuelle, lors de soirées hebdomadaires "Africa/India/Arabia" au Nickie's. Il produit également une série de disques "1002 nights". Et c'est à partir de la fin des années 90 qu'il touche un public plus large grâce à une série de disques sortis chez Six Degrees Records, mêlant musique électronique, principalement indienne (reflet de ses préoccupations spirituelles), mais aussi nord-africaines le temps d'un album sorti en 2005 (et de son album de remix).

En 2011, c'est le début d'un combat contre un cancer de l'estomac. Ses amis sortent un disque "Samaya" pour l'aider à payer ses frais médicaux (la liste des participants montre l'importance de ce musicien), mais l'histoire s'arrête fin 2013. Reste une musique qui ne manquera pas d'inspirer les amateurs de Bombay Dub Orchestra, Transglobal Underground ou Natacha Atlas, et qui rêvant d'Inde et d'Orient chercheront l'accompagnement musical de leur quête de spiritualité.

Voici une petite playlist compilant des extraits de plusieurs de ses albums.

1 : "Ganga Dev", "Shri Durga", 1999
2 : "Kese kese", "Shri Durga", 1999
3 : "Violin solo", "Krishna Lila", 2002
4 : "Esh' Dani, Alash Mshit", "La Kahena : Les Voix du Maghreb", 2005
5 : "Im Ninalou [The Groovio Deep End Remix]", "The Ghriba : La Kahena Remixed", 2006
6 : "Raja Vedalu", "Krishna Lila", 2002
7 : "Qalanderi", "Devotion", 2008


jeudi 22 janvier 2015

Christophe Guilluy - "La France périphérique"



Christope Guilluy - La France périphérique
Flammarion, 2014.

C'est le premier livre du géographe Christophe Guilluy  que je lis. Celui-ci a fait  un certain bruit lors de sa sortie il y a quelques mois. Dans son accueil, on y retrouvait la véritable coupure médiatique (pas gauche/droite), notamment dans l'accueil opposé que réservèrent "Marianne" (retrouvant soudainement le chemin de ses origines) et "Libé" (sans surprises toujours bobo-parisianiste).

Considérant que les paramètres choisis par l'INSEE ne permettent pas de mettre en relief les vraies fractures françaises, C. Guilluy entend montrer en quelques cartes et l'utilisation d'un "indice de fragilité" regroupant huit indicateurs quelle est la véritable coupure entre France métropolitaine et France périphérique, montrant en chiffres comment la première regroupe les classes intégrées économiquement et comment l'autre, regroupant pourtant la majorité de la population se retrouve de plus en plus rejetée des zones actives économiquement, et montrant comment deux modes de vie se retrouvent en opposition de plus en plus marquée.

C'est comme çà que se présente le livre, et de fait tout le début est intéressant et assez bien étayé. Le chapitre 2 présente cet indice de fragilité qui semble assez pertinent, et des premiers tableaux récapitulatifs. Le chapitre 3 présente la France des métropoles, où se déploie tout le dynamisme libéral économique. Les cadres y sont surreprésentés, le nombre d'emplois a tendance à augmenter, les prix des logements font fuir les classes plus modestes, et le mode de vie se fait inégalitaire, multiculturel, et de plus en plus communautariste. Même les banlieues où se regroupent les descendants d'immigrés ne se retrouvent pas si mal loties selon l'auteur, car plus proches des zones d'emploi actives que beaucoup d'ouvriers non-immigrés. Le chapitre 4 présent au contraire cette France périphérique "qui gronde", regroupant territoires ruraux, périurbain "subi" économiquement et pour éviter les banlieues regroupant nombre de descendants d'immigrés (point longuement détaillé au chapitre 7) dont on a du mal à partir, zones anciennement industrielles sinistrées et outre-mer sans aucune métropole à proximité. L'auteur s'intéresse notamment au vote FN en France périphérique et à son évolution, et note que le gouvernement Valls a pris en compte le malaise d'une partie de celle-ci dans sa nouvelle définition des ZUS (Zones Urbaines Sensibles), y intégrant de nouvelles communes, y compris rurales.

Tout cela commence donc bien. Le problème du livre, c'est que dès sa deuxième moitié, le biais idéologique prend le pas sur l'explication scientifique. A la limite, on bascule dans la sociologie avec les études sur la défiance des français par rapport à leur classe politique qui ne leur ressemble plus (le maire ouvrier ou employé devient rare), déjà rebattues par ailleurs et qui n'apporte donc pas grand-chose au débat. Mais de géographie, il n'en est plus guère question, et c'est bien dommage.

Non pas que je ne partage pas pour une bonne part la vision globale qui est transmise par ce livre. Les références (Philippe Cohen, Michèle Tribalat, Jean-Claude Michéa... ainsi que l'opposition à la vision "Terra Nova" et à l'homme libéral hors-sol façon Jacques Attali) me parlent plutôt bien en fait (il cite aussi BHL, mais à sa place je le ferai aussi pour rigoler). Mais ce que j'attendais d'un tel livre, c'est qu'il me donne des "billes" s'appuyant sur des chiffres, afin d'affûter une réflexion politique.

Guilluy dit que l'argent dépensés depuis des dizaines d'années dans les banlieues françaises aurait pu être investi ailleurs, notamment dans cette France périphérique loin des métropoles. En effet pour lui, ces banlieues situées au coeur des métropoles bénéficient malgré tout du dynamisme économique de celles-ci, permettent l'émergence (même réduite) d'une classe moyenne d'origine immigrée (ce qui n'est plus le cas en France périphérique) et ne s'intégrent finalement pas si mal à ce mode de vie inégalitaire et libéral des métropoles. Il sait qu'il va être attaqué. Et c'est là qu'il aurait dû donner des chiffres au lieu de citer vaguement une ou deux études et de ne citer aucun autre chiffre que celui du taux de mobilité (qui en soit, ne prouve rien sur l'emploi). Il est dommage de même que ce fameux "indice de fragilité" ne serve que pour définir une carte, qui certes à du prendre du temps à élaborer, mais qu'on ne détaille plus par la suite.

Sinon, on revient à la stratégie des élites qui consiste à diaboliser le peuple, à dire qu'il ne comprend rien aux enjeux et à passer outre son avis. Sarkozy jouant à fond le communautarisme et le multiculturalisme (tout comme Hollande), puis l'identitarisme à pur but électoral, au grand désespoir des classes ouvrières et employées. On parle de la divergence croissante entre la mobilité internationale célébrées par les élites qui s'oppose à la sédentarisation contrainte des classes populaires dans des zones délaissées, qui devient facteur aggravant quand une des rares usines dans ces zones ferme. Et on termine par un long chapitre "Le village", où l'auteur développe sur un possible modèle de contre-société plus solidaire et sur des classes populaires qui ont accepté des années durant de jouer le jeu du multiculturalisme et de l'économie mondialisée et qui refusent désormais tout en bloc. Au passage, Guilluy indique qu'il n'est pas condamnable et pas nécessairement raciste de vouloir rester majoritaire sur son propre sol et que c'est quelque chose partagé partout dans le monde. Et de dénoncer encore une fois les élites qui ont les moyens de contourner dans les faits le modèle de "mixité" qu'elles promeuvent. Et que cette mixité impose de fait des territoires de plus en plus ethniquement hermétiquement séparés les uns des autres, quand on ne quitte pas la France pour rejoindre un "village" sans insécurité culturelle.

Bref, tout cela est intéressant et mérite lecture. C'est juste que c'est moins un livre de géographe, scientifiquement argumentés qu'un livre coup de poing socio-politique qui prend plus son appui sur la sociologie. C'est toujours bienvenu, mais ça a déjà été fait et ce n'est pas vraiment ce que j'attendais.

mardi 30 décembre 2014

Jacques Ellul - "Le système technicien"

Extraits d'une très bonne analyse de la "Technique" selon Jacques Ellul, définition, caractéristiques, relation avec l'homme et conséquences sur lui, autoacroissement... Je vous conseille la lecture du texte complet dont le lien est donné en bas de page.

Ellul explique ce qu’il entend par « technique ». (...) Ce terme fut longtemps circonscrit au seul critère d’efficacité, désignant comme « technique » toute application de moyens nouveaux et étendant ce terme à tous les domaines possibles. Pour l’auteur, il fallut attendre l’avènement de l’ordinateur pour que la technique cesse d’être une addition de techniques et qu’au travers « de la combinaison et de l’universalisation » de l’ensemble des procédés techniques, elle trouve une sorte d’autonomie et de spécificité, se présentant alors comme milieu et comme système. (...)

Autrefois, la technique était un enjeu mais, depuis l’avènement de l’informatique, elle a changé de nature pour former à l’intérieur de la société un véritable « système technicien ». (...) La technique est devenue milieu. La technique généralisée forme alors un « écran continu », un « univers de moyens » à la fois exclusif et total. Même « les relations humaines ne peuvent plus être laissées au hasard, elles ne sont plus l’objet de l’expérience, de la tradition, de codes culturels, de symboliques : tout doit à la fois être mis au jour […], élucidé, puis transformé en schémas techniques applicables […] de façon à ce que chacun apporte sa construction d’une part, et d’autre part joue exactement le rôle que l’on attend de lui » (...)

Cette médiation technique est perçue comme étant « stérile et stérilisante », contrairement aux systèmes de médiations antérieurs. Autrefois ils étaient « plurivoques, équivoques et instables » mais profondément enracinés dans un incons­cient riche et créateur alors que la technique, elle, bien qu’elle soit univoque et stable, paraît pour l’auteur superficielle, sans souvenir et sans projet. (...)

La relation entre la technique et l’homme est elle-même non médiatisée. Dans ce milieu ambiant, la relation à la technique est toujours immédiate et sans distance, car « le système envahit la totalité du vécu et la pratique sociale entière », le système technique médiateur devenant ainsi le « médiateur universel » (...) La technique est devenue de fait le milieu de l’homme, il ne vit plus en contact avec la réalité de la nature, mais au milieu d’un environnement façonné par la technique et constitué d’objets techniques. (...)

Il est admis, d’après Ellul, que la technique modifie de façon radicale les rapports humains, les schémas idéologiques ou les qualités de l’homme. Ces changements, Ellul les considère comme imposés à l’homme par son existence contrainte dans le milieu technicien. (...)

Ellul reprend Baudrillard qui a montré à quel point la culture de masse issue de la technique est « l’inverse absolu de la culture conçue, premièrement, comme un patrimoine héréditaire d’œuvres, de pensées et de traditions et, secondement, comme une dimension continue d’une réflexion théorique et critique sociale. (...) Du fait même de la technique, l’ensemble culturel subit une profonde mutation, bien plus qu’une simple modification.

Le premier aspect du système technicien est sans doute sa spécificité par rapport à d’autres systèmes. La technique ou les techniques ne sont comparables à rien d’autre et ont des spécificités communes aussi diverses qu’elles soient. Toutes les « parties » de la technique sont également en corrélation, ce qui implique qu’on ne peut modifier une technique sans qu’il n’y ait de répercussions sur d’autres techniques, méthodes ou objets. Par ailleurs, les combinaisons entre les techniques produisent des effets techniques et également d’autres méthodes et d’autres objets. Comme tout système, celui technicien a une forte propension à l’autorégulation au niveau de son développement et de son fonction­nement, ce qui accentue pour l’auteur son caractère « autonome » par rapport à l’humain. (...) L’auteur voit cependant cette facilité d’acclimatation comme une nécessité du système dans la mesure où il le perçoit déjà comme dominant. (...)

Ce qui inquiète Ellul, c’est que le système technicien n’obéit qu’à une loi : celle de l’évolution indéfinie de la technique. Bien qu’il ne soit pas doté d’objectifs ou de fins particulières, c’est son mode d’être. Pour l’auteur, le système ne peut pas se stabiliser puisqu’il comporte en lui-même son propre principe d’expansion. Ainsi toute contestation ou remise en question du système, n’est jamais qu’une opportunité pour celui-ci de développer d’autres techniques, d’autres procédures, des nouveaux moyens intégrant chaque fois un degré supérieur d’information et renforçant, en fin de compte, le système. (...)

Un certain nombre de problèmes provoqués par la technique, comme ─ entres autres ─ la crise de l’emploi, la pollution, la croissance démographique, pourront être résolus par le système lui-même. Mais il voit ensuite d’autres problèmes qui selon lui n’ont aucune possibilité de solution technique. C’est le cas du « caractère totalitaire » du système, de la complexification indéfinie, de la reconstitution de l’environnement humain qui a été détruit, de la recherche de qualité de vie, de la dénaturalisation de l’homme, etc. L’auteur considère ces problèmes insolubles car il faudrait pouvoir remonter à la source du système technicien pour modifier la totalité de la démarche et de l’organisation technicienne, or cela est impossible. (...)

[La] technique autonome, cela veut dire qu’elle ne dépend finalement que d’elle-même, elle trace son propre chemin, elle est un facteur premier et non second, elle doit être considérée comme un « organisme » qui tend à se clore, à s’autodéterminer : elle est un but par elle-même. L’autonomie est la condition même du développement technique. (...)

La technique ne progresse pas en fonction d’un idéal moral ou au nom de certaines valeurs ou d’un bien à atteindre. La technique progresse pour elle-même. Ensuite, la technique ne semble accepter aucun jugement moral à son propos. (...) Cela montre à quel point le monde technique est devenu autonome. (...)

L’homme, plongé dans la sphère du technique, n’est plus autonome par rapport aux objets que lui apporte ce système qui se présentent comme un « déjà là » auquel il ne peut que se conformer. L’homme de cette société n’a plus « aucun point de référence intellectuel, moral, spirituel à partir de quoi il pourrait juger et critiquer la technique » (...)

Ellul ne rejette pas la technique en soit, cette dernière n’étant ni bonne ni mauvaise (ni neutre) pour lui, mais problématiquement ambivalente. L’effet pervers viendrait surtout de son autoaccroissement suivant sa propre logique, qui semble n’avoir pas de fin, tout en échappant à tout contrôle démocratique. (...) « Ce système, qui s’auto-engendre, est aveugle. Il ne sait pas où il va. Il n’a aucun dessein. Il ne cesse de croître, d’artificialiser l’environnement et l’Homme, de nous emmener vers un monde de plus en plus imprévisible, et aliénant. »

Source : http://effingo.be/philo/le-systeme-technicien-─-jacques-ellul/
Alexis Jurdant, 2009. Licence Creative Commons-BY-SA.

vendredi 26 décembre 2014

Guillaume de Machaut (1300-1377)

Pour les amateurs de musique médiévale, une petite sélection d'interprétations variées de Guillaume de Machaut. Les siècles passent, et ces petits bijoux restent.

1, 6, 8 : Ensemble Gilles Binchois - Dominique Vellard, "Le jugement du roi de Navarre"
2 : Falsobordone, "Fikon, Fiddlor och Finlir"
3 : Anwnn, "Orbis alia"
4 : Sarband, "Danse gothique"
5 : Oxford Camerata, Jeremy Summerly, "La Messe De Nostre Dame / Songs from Le Voir Dit"
7 : Faun, "Lichtbilder"


mercredi 24 décembre 2014

Yan' Dargent (1824-1899)

Yan' Dargent (de son vrai nom Jean-Edouard Dargent) est un peintre breton. Inspecteur des travaux dans une compagnie de chemins de fer, il démissionne en 1850 pour se consacrer à l'illustration et la peinture.

Il gagne sa vie par l'illustration pour des revues et des livres ainsi que pour les fresques qu'il réalise pour des édifices religieux (cathédrale Saint-Corentin de Quimper, église de Saint-Servais...). Ses peintures plus personnelles eurent moins de succès. Attaché à sa région natale, il n'eut jamais de grande notoriété parisienne.

Il est enterré à Saint-Servais depuis 1899, sa tête ayant été spécialement séparée en 1907 du reste de son corps, pour reposer dans un ossuaire à côté de la tête de sa mère (pratique qui existait à l'époque en Bretagne !)

Les informations ne sont pas légion sur Internet ainsi que ses oeuvres, voici quelques-unes de ses réalisations.


Les vapeurs de la nuit, 1896
Les lavandières de la nuit, 1861
"La divine comédie", 1879
"Edgar Poe et ses oeuvres", 1862
"La divine comédie", 1879.
Chasse nocturne aux bécasses
en Bretagne, 1868

samedi 6 décembre 2014

Céu - Vagarosa

Céu - Vagarosa
Six Degrees / Urban Jungle, 2009

Sobre o amor e seu trabalho silencio
Cangote
Comadi
Bubuia
Nascente
Grains de beauté
Vira lata
Papa
Ponteiro
Cordão da insônia
Rosa menina Rosa
Sonâmbulo
Espaçonave

C'est le deuxième album de la chanteuse brésilienne Céu, sorti en 2009. Celui-ci est dans la lignée de son premier album ("Céu", 2005). Après une courte intro guitare/chant, on rentre dans le vif du sujet. Les 42 minutes de ce disque mêlent musiques brésilienne et influences électroniques. Oui, on pense immédiatement à Bebel Gilberto quand on lit çà. Mais Céu se libère à la fois d'une redite de son aînée et d'un potentiel écueil "bobo"/lounge en ne noyant pas sa musique dans un ensemble trop vaporeux et en laissant les instruments s'exprimer pleinement dans ce cadre pourtant tranquille et laisse l'oreille à l'affût. L'album navigue ainsi entre dub ("Cangote", avec quelques scratches et un orgue d'un bel effet), orchestrations vintage ("Vira lata"), trip-hop (le langoureux "Grains de beauté"), ambiance un peu plus jazzy ("Nascente" avec une bonne ligne de basse, mellotron, solos de trompette), hommage aux anciens ("Rosa menina Rosa", reprise de Jorge Ben, moins rythmée que l'original mais retravaillée dans un sens plus planant et avec une batterie assez en avant)... Cette variété n'empêche pas la cohérence grâce à un mixage soigné et une approche "par petites touches" qui permet de faire co-exister cuivres, samples et instruments divers, le tout dans une ambiance relax mais pas évanescente. La lente ballade "Ponteiro" en est une bonne illustration : on ne remarque que le chant et l'orgue Hammond, et puis on distingue plein de sons en arrière-plan (samples, quelques notes de melodica et de guitare, batterie très discrète) qui enrichissent le morceau sans le perturber.

Bref, Céu n'offre ni un album pour danser, ni de la bossa mélancolique, et ce n'était pas le but. Juste à la bonne longueur, loin d'être un album soporifique si tant est qu'on y reste attentif ou d'être la bande son qu'on n'écoute pas d'un café lounge, "Vagarosa" comporte juste ce qu'il faut de variété dans son approche musicale tout en ne perdant pas son fil conducteur et pas mal de petites subtilités au niveau des arrangements, et qu'on découvre encore après plusieurs écoutes (à écouter certes au calme chez soi pour les apprécier au mieux). Aucune grande pompe, pas de racolage électro-boum boum, juste un très bon disque dans son genre, travaillé et bien ficelé.

Titres préférés : "Bubuia", "Comadi", "Grains de beauté", "Nascente", "Rosa menina Rosa".
Quelques extraits ici :